Japon
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Kurokawa
黒川温泉

Onsen et terre brûlée

Corps au chaud, tête au frais

Dans notre tournée des onsens de Kyushu, Kurokawa Onsen prend la suite de Beppu. Proche du volcan Aso, le village onsen est réputé pour ses grands bains extérieurs — ou rotemburos — entourés par la forêt de montagne.

 

Les rotemburos

Comme dans les onsens intérieurs, on se baigne nu. Enfin pas tout à fait, puisqu’on se voit attribuer une petite serviette appelée “modesty towel”. N’espérez pas l’utiliser pour vous couvrir, elle fait la taille d’un torchon. On s’éponge le front, on se couvre le visage. On s’étend bruyamment ou on discute avec ses voisins. À chacun sa façon de profiter du bain.

Dans la plupart des onsens que nous visitons, la douche se fait à l’extérieur. Nous sommes en avril, et dans les hauteurs les températures sont fraîches. On se dépêche sous la douche, où il n’y a pas toujours l’eau chaude.

 

Quelle récompense sitôt entré dans le bain ! A Kurokawa Onsen, l’aménagement des bains s’intègre à la nature environnante. La chaleur, le froid, l’air frais, simultanés ou alternés, la vue autour. Tout est parfait.

Nous aurons le temps de visiter quatre onsens différents. Celui de notre ryokan, où nous nous baignerons tous les soirs, entouré de pierres. Un autre à la surface laiteuse, source d’eau sulphurée. Un troisième dans une grotte taillée dans la pierre par son fondateur, dans laquelle on avance dans des couloirs inondés. Le dernier, trouvé au détour d’une randonnée, donnant sur une cascade naturelle.

 

Spécificité locale : la plupart des onsens du village sont mixtes. D’ailleurs avant l’ouverture à l’Occident, les onsens ne séparaient pas les genres. Joie, nous pouvons donc nous baigner ensemble dans un cadre superbe ! Bémol, la société actuelle ne joue plus vraiment le jeu. À chaque onsen mixte est accollé un onsen exclusivement réservé aux femmes. Nous ne croiserons aucune femme dans les bains mixtes les trois jours durant, mais bien un Japonais un peu trop collant.

 

Dîner kaiseki

Le deuxième soir, nous nous sommes laissés tenter par un repas gastro dit kaiseki. L’année dernière, nous avions mangé un menu de la mer. Ce jour-là, les poissons, crevettes, viandes et végétaux locaux s’enchaînent sans discontinuer. Expérience amplifiée par un menu écrit à la main. Exit Google Translate, on laisse tomber les préjugés, on se laisse surprendre.

 

L’embrasement de la montagne

En mars, les montagnes d’Aso sont brûlées pour le Noyaki. Cette pratique ancestrale de plus de mille ans permet de fertiliser les sols et d’éviter la progression des arbres sur les pâturages. Les denses forêts de conifères font face à des pans entiers de montagne calcinés. La maîtrise du feu est impressionnante.

 

Nos randonnées dans la montagne se font dans ces paysages aux tons tantôt ôcres, tantôt verdoyants. Nous remontons un ruisseau, passons devant un petit enfer froid, traversons une forêt d’arbres emmêlés.

 

Du point de vue Hiranodai apparaît le Nehanzo ou bouddha allongé, formé par cinq sommets du mont Aso. Les vues aériennes du drone nous font découvrir l’étendue du Noyaki.

 

Dans les terres, la bonne chair

Pour accompagner les efforts, rien de tel qu’un petit remontant ! Nous nous arrêtons à plusieurs ryokans sur le chemin pour déguster leur production d’umeshu, vin de prune japonais à base de shochu.

 

Le plus souvent distillé à partir de patates, le shochu est souvent comparé à de la vodka. Différence notable avec cette dernière, pas de gueule de bois avec le shochu ! Ici, le shochu est une spécialité locale et l’umeshu tend plus vers la liqueur que le vin !

 

Le soir, c’est au tour de la viance de nous régaler. Dans les terres, on trouve des variétés de qualité supérieure à des prix accessibles. Nous avons bien fait de réserver : les quantités sont limitées ! Ce sera menu découverte pour nous, avec bifsteaks marbrés et découpes appétissantes de poulet, boeuf et cheval à faire cuire en barbecue. S’ajoutent les fameux bashimis, ou sashimis de cheval très appréciés au Japon.

 

Anecdote qui a donné des sueurs froides à Nathalie : nous avons mangé du horse rib eye premium. Rib eye. Elle s’attendait à voir apparaître un oeil entier de cheval cru à gober. Elle a même demandé à le faire retirer du menu. Heureusement, la tenancière n’a pas cédé et le rib eye s’est avéré être… une magnifique pièce de bifsteack !

Une ville onsen un brin surfaite

De ce village onsen perdu dans les montagnes, nous attendions une parenthèse détente avant de nous lancer dans le volet le plus sportif de notre voyage. Nous repartons avec le sentiment que l’expérience n’aura pas été complète. Il manquait cette chaleur caractéristique des endroit reculés et des campagnes. C’est peut-être le revers de la médaille de Kurokawa Onsen, qui attire des touristes venus de tout Kyushu et des pays voisins.

En route pour la ville d’Aso, nous quittons Kurokawa Onsen sans grande émotion.